Un de ces quatre matins j'aborderai l'automne de ma belle existence en n’entendant plus rien, en étant aussi sourd que Tryphon Tournesol, savant de référence pour qui pratique encore ce grand art du silence, la lecture.
Je ne serai plus alors obligé de me boucher les oreilles chaque fois que passe dans ma rue un véhicule pénitentiaire qui, pour ramener à la prison un détenu, émet force décibels et lumière bleue, symboles de la rencontre hélas fort peu improbable d'une sirène et d'un gyrophare sur la route devant ma maison.
Il se trouve en effet que je loge, à Rennes, sur le chemin qui mène du palais de justice à Vezin-le-Coquet (Vezet-le-Coquin !) où se trouve la nouvelle prison qui avait autrefois pris ses quartiers chez Jacques (Cartier) sur le boulevard du même nom.
Le volume sonore des sirènes rennaises est tel qu'il me rappelle celui des ambulances entendues dans Bruxelles. Ce côté « Poussez-vous de là que je m'y mette ! Écartez-vous de ma route ! La justice et la police et la santé passent d'abord ! » me brouille l'écoute.
Et en y repensant – n’en déplaise à la fondation M**l*ns*rt -, aux aventures de Tintin et Milou, je perçois mieux aujourd'hui combien le professeur Tournesol représente le Yin de la zénitude dans un océan de Yang de la drôle-de-zébritude.
En opposition à l'alcoolique injurieux, soupe-au-lait, irascible, exubérant et surtout vociférant, à côté de la cantatrice à coffre dont le contre-ut lancé dans son « Air des bijoux » est capable de faire exploser sept boules de cristal d’un seul coup, insoucieux des discours assurés, incessants et imputrescibles de l'assureur Lampion Séraphin, bien loin des coups de feu des Picaros et autres révolutionnaires ou gangsters auxquels va se frotter le jeune reporter Tintin, n'entendant rien à la politique, au conflit entre la Bordurie et la Syldavie, réfugié dans son laboratoire au fond du parc de Moulinsart et vivant dans sa bulle (nom savant : phylactère), l’ami Tryphon apporte à cette bande d'agités une mer de tranquillité (« Objectif : dans la Lune ! ») et un véhicule sous-marin pour plonger dans le monde du silence du Commandant Cousteau.
De cette courte analyse d'un personnage littéraire je tirerai non pas un sujet de thèse mais un virelangue : « Quelle sagesse chez ce savant fou et sourd ! Susurre-le dix fois d’affilée sans que ta langue fourche ! ».
Et je terminerai par mon conseil du jour : pour éviter les décibels ambiants relisez « L'Affaire Tournesol » et prenez-en de la graine !
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