Pas encore tout à fait amnésique. 12, Les Barbus

Mais pourquoi tant de haine dans un monde déjà si cruel ? Si « le premier est un marin, toujours le verre à la main, la bouteille sur la table » je conçois qu’on le traite de misérable et qu’on ne désire pas lui accorder sa main.


Mais le deuxième « qui est un barbu, par-devant et par derrière », ne fait rien que laisser parler la nature. Il se trouve d’aventure que le poil naturellement pousse au menton du garçon. Que les lames Gilette n’existaient pas à l’époque de l’homme de Cro-Magnon. Que le rasage n’est pas obligatoire.


Que faire ? demandait le barbichu Lénine (Vladimir Il’itch Oulianov) : à la lecture de Marcel Proust certains se rasent, d’autres pas. Cette liberté dans le vague à la lame nous a valu finalement, au fil de l’Histoire et au retour de notre escapade à La Flèche, un beau bistrot-mémoire sur le thème des barbus célèbres.


Il y a bien sûr, côté musique, « ce roi barbu qui s’avance, bu qui s’avance » et ce n’est pas de Carlos ou des ZZ Top que je parle mais d’Agamemnon « Aga Aga memnon » (« La Belle Hélène » d’Offenbach qui lui portait des favoris).


On doit à France-Gall – dont le nom me fait du reste penser au rugbyman Sébastien Chabal ! - l’évocation d’un empereur à la barbe fleurie, ce sacré Charlemagne « qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école ». L’ont suivi toute une lignée de rois plutôt du genre imberbe que du genre à barbe à l’exception de Charles IX, Henri II, III et IV et François 1er. Notons que la barbiche fut portée par Louis XIII et Napoléon III et qu’elle demande sans doute plus d’entretien car il faut la tailler finement comme la bavette chez le boucher en attendant d’être servi (par l’Histoire qui paraît-il, ne repasse pas les plats).


Les Rois d’un jeu de cartes usuel (David, Charles, Alexandre et César) n’auraient pas déparé – une fois à poil ! - le festival de Woodstock ni cette période des années 70 où John Lennon, Phil Collins, Robert Wyatt, Anthony Phillips et Neil Young composèrent dans leur barbe fournie - à l’époque de « Hair » - certains des tubes musicaux que je reconnais dès les premières notes.


Le disque de Rick Wakeman, claviériste du groupe Yes, «The Six wives of Henry VIII » pose une question assez terrible : le port de la barbe ne s’accompagnerait-il pas d’une tendance à la cruauté ? On connaît le cas de Barbe-Bleue qui mettait les femmes au placard, celui de Landru qui militait pour la femme au foyer. Il faut y ajouter le cas de Conchita Wurst qui transforme le concours de l’Eurovision en compétition de n’importe quoi ! Et justement, la barbe n’est elle pas plutôt un signe de contestation des systèmes politiques en vigueur ? Karl Max, Che Guevara et Fidel Castro en portaient une. Philip K. Dick aussi.


Mais revenons à l’école et à la cour de récréation. Les images non animées que nous, désormais dénommés vieilles barbes, chérissions à l’époque représentaient des porteurs de barbe pleins de sagesse : le druide Panoramix chez Uderzo, le grand Schtroumpf chez Peyo, les savants de Tintin chez Hergé, le professeur Mathenstock, le professeur Pipe et le Père Passe-Passe chez Jean Cézard, le juge de Lucky Luke dans l’album éponyme de Morris et Goscinny.


Mais la barbe caractérise aussi quelques irascibles : je grand vizir Iznogoud, Prunelle et son collier de barbe chez Franquin, le capitaine Haddock et ses célèbres insultes.


Je n’ai pas beaucoup fréquenté Blake et Mortimer, le Vieux Nick et Barbe Noire, Tif et Tondu – je crois savoir que c’est Tondu qui est le barbu du duo ! - mais je me souviens d’Hägar Dünor et, dans la même série des navigateurs, de Barbe-Rouge de Charlier et Hubinon et bien entendu de sa parodie dans Astérix sous forme des fameux pirates qui assez souvent mergiturent plutôt que de fluctuer.



Du côté du cinéma, la photo proposée cette semaine évoquerait plutôt « Les Barbouzes » de Georges Lautner, pas tant les acteurs que le fait de jouer double jeu et de s’avancer masqué. On pourrait penser aussi à Louis De Funès dans "Rabbi Jacob" mais je n’ai pas vu ce film-là. Orson Welles portait la barbe et un faux nez dans le film de Claude Chabrol « La Décade prodigieuse », pas vu lui non plus mais bien relaté et caricaturé par Marcel Gotlib dans la Rubrique-à-brac.


Le XIXe siècle et le début du XXe nous ont fait cadeau de célébrités entrant dans la catégorie : Anton Tchekhov, Antonin Dvořák, Camille Saint-Saëns, Louis Pasteur, Alfred de Musset, Victor Hugo, le président américain Abraham Lincoln, Jean Jaurès, Ernest Hemingway...


Les peintres de l’École de Barbizon en arboraient-ils une ? Si j’avais eu le temps, vous aurais-je chanté à ma façon « Le Barbier de Belleville » de Serge Reggiani ? Est-ce que tout ce laïus est encore trop capillotracté ? Rasoir ? Barbant ? Allez-vous me traiter de blaireau ?



Quoi qu’il en soit, après avoir lu ce court article sur le rasage, si la barbe est réellement un signe de virilité et de sagesse, je suis bien mal parti : je me suis encore coupé en me rasant ce matin !





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