Pas encore tout à fait amnésique. 15, Des chapeaux pour les policiers (Défi du samedi n° 869)


Au secours ! Ma maison est pleine de flics et ma mémoire est cernée par les détectives privés ! Certains ont le melon, d’autres le chapeau mou mais moi, monsieur l’agent, je suis tout aussi veule et vais jouer le doulos, l’indic ou la balance, je vais livrer les noms des redresseurs de torts qui visent de travers !

A la poursuite de Jean Valjean, il y a chez Totor (Hugo) l’inspecteur Javert, portant le même chapeau haut de forme que Vidocq.

Fulminant contre Fantômas, le commissaire Juve a pris au cinéma les traits de Louis de Funès. Chauve qui peut !

Si, si, on a tendance à l’oublier, le San-Antonio de Frédéric Dard est commissaire de police, affublé de deux adjoints spectaculaires, l’infâme Bérurier et cette vieille baderne de Pineau-Pinuche. Est-ce encore lisible à l’heure de Fadièse Mitoute ? Je ne suis pas convaincu par mes dernières tentatives même si je m’en suis régalé adolescent !

A ses débuts, Jules Maigret portait un chapeau melon et un pardessus à col de velours. Assisté d’inspecteurs nombreux, Lucas, Janvier, Torrence, Lapointe, Lognon et même de son épouse dans « Le Fou de Bergerac », il va de bistrot en bistrot traîner son air bougon et entretenir sa cirrhose du foie que le docteur Pardon ne lui décèle même pas tout en l’envoyant quand même faire une cure à Vichy. Jean Gabin, Albert Préjean, Jean Richard, Bruno Cremer et Rowan Atkinson ont incarné le policier belge sans démériter au cinoche et à la télé mais lire et relire Maigret sans lui donner un visage particulier, c’est un plaisir perpétuel.

Quels sont les atouts de M. Wens, l’enquêteur imaginé par Stanislas-André Steeman, autre écrivain belge de romans policiers ? Il n’a même pas été fichu de découvrir que « l’assassin habitait au 21 » ! Normal, il n’apparaît pas dans ce roman et dans « Quai des orfèvres » c’est Suzy Delair qui lui vole la vedette avec son tralala ! Ça m’a bien plus de lire les aventures de Wenceslas Vorobeïtchik jadis et c’est pourquoi elles trônent en bonne place dans mon grenier-bibliothèque. Mais bon : quelle idée aussi de s’encombrer la mémoire avec des noms comme celui-là que même un étranger rechignerait à coucher dehors avec !

C’est une chronique de Remo Forlani qui m’a fait découvrir Nestor « Dynamite » Burma de Léo Malet. Cinq tomes en collection Bouquins, l’intégrale en DVD de la série télé avec Guy Marchand, un fantasme permanent sur Hélène Châtelain (Natacha Lindinger puis Jeanne Savary à l’écran), l’esprit de famille avec le comparse Roger Zavatter, le journaliste Marc Covet, le commissaire Florimond Faroux. Cet univers m’a influencé au point qu’en des temps anciens d’écriture moins autofictionnelle j’ai nommé mes deux enquêteurs-clowns Ferdinand Flure et Florent Fouillemerde et j’ai transformé l’Agence Fiat Lux en agence Fiat Panda ! N’oublions pas au passage les adaptations BD de Tardi puis Moynot chez Casterman.

Côté bande dessinée il nous faut poser sur un piédestal le Gil Jourdan de Maurice Tillieux avec son  inspecteur Croûton, Libellule et Queue de cerise, sa voiture immergée, son moine rouge et l’enfer de Xique-Xique.

A la suite du Rouletabille de Gaston Leroux des reporters à l’allure sportive ont marché sur les plates-bandes d’une police officielle qui ne sert plus que de faire-valoir plus ou moins ridicule. Ainsi Tintin et les deux Dupondt, Ric Hochet et le commissaire Bourdon. On pourrait ajouter, du même Tibet, Chick Bill, Dog Bull et Kid Ordinn, mais eux je les garde pour le jour où je me souviendrai du Far-West !


Au Royaume-Uni la police officielle est, elle aussi, une simple force d’appoint. Ainsi de l’inspecteur Lestrade toujours dépassé et épaté par le locataire génial du 221 B Baker street, Sherlock Holmes dont le biographe se nomme forcément– c’est élémentaire, mon cher ! – Watson. Deux tomes en collection Bouquins + l’intégrale de la série avec Bendedict Cumberbatch et quelques dévédés avec Basil Rahbone dans le rôle titre. 

Si la Miss Marple d’Agatha Christie est « So British !» que penser des petites cellules grises d’Hercule Poirot ? Ne s’agit-il pas d’un détective belge avant tout ? De fait si on m’a offert la filmographie Ustinov et si j’ai déjà emprunté des épisodes de la série avec David Suchet, ce sont surtout les trois séries françaises des « Petits meurtres d’Agatha Christie » qui nous ont bien fait rire lors de leur « visionnage ». Le duo Larosière-Lampion dans la première, Alice Avril, Marlène Leroy et Swan Laurence dans la deuxième et la commissaire Gréco et ses acolytes dans la troisième et dernière.

On a aussi bien sûr l’intégrale des Fred Vargas avec son très décalé commissaire Adamsberg, On a dévoré quelques Montalbano d’Andrea Camilleri et on se régale toujours du pastiche des « Cinq dernières minutes » (Bon sang mais c’est bien sûr !) avec le commissaire Bourrel (Raymond Souplex) remplacé par une caricature de Gébé dans la Rubrique-à-brac de Gotlib.

J’ai évidemment possédé et lu tous les Raymond Chandler avec Philip Marlowe et je me suis toujours endormi avant la fin chaque fois que j’ai essayé de revoir « Le Grand sommeil » de Howard Hawks pour tenter d’y comprendre quelque chose. L’auteur lui même s’avouait perdu dans son intrigue ! Par contre j’ai adoré le film tiré d’un de ces romans,  « Le Privé » de Robert Altman avec Elliott Gould.

Dans ma sacoche de dévédés on peut trouver les deux premières saison d’HPI avec les clowneries de Morgane Alvaro (Audrey Fleurot), l’inspecteur Lavardin (Jean Poiret mis en scène par Claude Chabrol), les Beresford d’après Agatha Christie (Catherine Frot et André Dussolier).

Je n’ai pas poussé l’amour de la pop culture jusqu’à me farcir « L’Inspecteur Labavure » avec Coluche ni « Les Ripoux » avec Thierry Lhermitte et Philippe Noiret mais je me régale bien évidement de tout film de Georges Lautner dialogué par Michel Audiard.

De fait, je suis plutôt voyou que flic et je me suis longtemps régalé des aventures de Parker de Richard Stark et de celles de Dortmunder et Kelp de Donald E. Westlake. En vérité, ces deux là sont un seul et même auteur.  Désolé d’avoir « spoyelé » la chose !

Une originalité avant de terminer ? Quel est l’équivalent de Dick Tracy ou de l’incorruptible Eliot Ness en Europe et au féminin ? Une gendarmette avec une chapka ? Non, pas Fargo mais le capitaine Marleau incarné par Corinne Masiero ! Les premiers étaient assez drôles mais trop de désinvolture tue la désinvolture !

Puisque nous avons commencé cette rétrospective avec "Le Doulos" de Melville, bouclons la boucle en nous souvenant du très beau rôle de commissaire tenu par Bourvil dans « Le Cercle rouge » dû au même cinéaste porteur de… Stetson !


Bécassine, c'est ma cousine ? (Défi du samedi n° 868)




Moi vous me connaissez : je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais... je ne voudrais pas passer sous silence pour autant la visite que j’ai rendue à Mademoiselle Denouille la semaine dernière.

Adèle Denouille est une jeune fille de vingt ans – ou de 140 ans ? – qui habite l’ancien palais épiscopal, à deux pas de la cathédrale, dans la bonne ville de Tours (Indre-et-Loire).

Pour dire la vérité et dissiper les interrogations qu’a pu faire naître l’incise gérontophile dans la phrase précédente, le palais est devenu le Musée des Beaux-Arts de la ville et quand j’écris « Adèle Denouille », je ne parle pas d’une personne vivante mais d’un tableau exposé en icelui et peint par Léon Bonnat (1833-1922). Mlle Denouille est née en 1864 et décédée en 1919.



Si j’ai engagé des frais et programmé un séjour d’une semaine dans la ville natale de Balzac – je suis très honoré de savoir qu’il est né par là ! – c’est parce que, l’air de rien, Adèle Denouille est une autre cousine d’Isaure Chassériau, cette jeune fille habillée de rose à qui je voue un culte tellement inavouable que je m’abstiens parfois d’en parler et passe le plus clair de mon temps à lui offrir des masques, des visages de substitution afin qu’on ne la voie pas rougir de l’affection sans aucun doute malsaine que je lui porte.

C’est que, voyez-vous, l’âge m’étant venu, il serait plus facile aujourd’hui de me ranger dans la catégorie des vieux birbes pervers que des jeunes damoiseaux sottement énamourés.

Tout cela est la faute des fleurs de l’églantier. Elles sont là en nombre sur le portrait d’Isaure, encadrant son visage, fixant les macarons qui emprisonnent sa chevelure, trônant sur son corsage, embaumant sans doute aussi son corps sage. J’ai appris samedi dernier que le faux-fruit de cet arbuste se nomme cynorhodon et qu’il contient, outre le vrai fruit, du poil à gratter !

Il devait en traîner un peu dans l’atmosphère le jour de 1997 ou 1998 où je croisai la route d’Isaure pour la première fois car depuis, comme la guitare pour Yves Duteil, ça me démange de rêvasser autour des jeunes filles mortes, de leur réinventer une vie plus gaie que celle qu’elles ont connue, de leur rendre le sourire, de leur donner d’autres atours, de leur offrir une famille et des amis, un oncle Camille bistrotier, des frères Park, un boulot de journaliste, des cousines au Louvre, à Châlons-en-Champagne, Lille ou Tours. C’est ainsi que moi-même, de mon vivant, je suis devenu « l’oncle Joe », le tonton farceur, l’histrion de Rennes de madame Lia !



Il y a quand même, dans ce cousinage entre Isaure C. et Adèle D., quelque chose d’indéniable : ni l’une ni l’autre ne sait quoi faire de ses mains quand elle prend la pose en habit de fête devant le vieux peintre et celui-ci – cher brave Léon, chère adorable canaille d’Eugène ! – a bien du mal à rendre crédibles les épaules de son modèle.

Peut-être parce qu’elles en manquaient toutes les deux ? Ou que, comme l’écrit Aragon,

« Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle ?
Moi, si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien »

J'aurais bien posé la question à Jean Royer, l'ancien maire de Tours, mais depuis qu'il est devenu portier d'hôtel, il n'émet plus aucun avis sur la nudité de ces dames !



Louis Bistouille (Défi du samedi n° 867)


Je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais il se trouve que moi aussi j'ai eu vingt ans. C'était il y a... pas mal de temps même si, dans ma tête, c'était juste hier ! C'est à cet âge-là que j'ai quitté ma famille du Pas-de-Calais pour aller vivre à Paris où j'avais un travail dans une grande et belle institution nationale.

Mais le pays de la bistouille, j'y retournais tous les week-ends pour faire de la musique avec mon frère et mes potes d'origine polonaise. Enfin, quand je dis musique, c'est vite dit. Du bruit, plutôt, au grand dam de mon grand-père qui, le samedi après-midi, essayait de faire sa sieste alors que "ça faisait du ramdam dans la cave". Le groupe s'appelait "Les Araignées malades" et méritait bien son nom ! Et pourtant personne ne mettait de genièvre de Loos dans son café ! J'ai essayé ça "pour voir" bien plus tard, une fois, et je n'ai vraiment pas trouvé ça très bon !

J'ai retrouvé dans un dossier jaune la version tapée sur ma vieille machine à écrire Underwood de cette chanson de Chuck Berry, "Johnny B. Goode" que j'avais traduite, trahie ou plutôt adaptée... en ch'ti et intitulée "Louis Bistouille".

Comme disent les joueurs de manille, vous n'allez pas y couper !






P.S. L'illustration du fichier Soundcloud a été récupérée ici où elle illustre une chanson sur la bistouille du poète du Crotoy Ferdinand Poidevin. J'avais également enregistré de mon côté, sur cette autre page, l'image qui sert de support au Défi n° 867 !



Le Cold case de l'oncle Tom (Défi du samedi n° 866)


Parfois je me pose – ou on me pose - des questions idiotes.

Un atome de brebis vaut-il un atome de chèvre ?

Combien y a-t-il de boules dans l’atomium de Bruxelles ? Qui lance le cochonnet ?

Est-ce que le fait de penser « atome sweet atome » est révélateur du fait que vous êtes un être casanier ?

Y a-t-il une rime plus riche à "atomique" que "comique" à part "astronomique", "gastronomique" et "économique" ? Vous dites ? "Saint-Jean Chrisostomique" ?

Cela dit ne cherchez pas ailleurs qu’au restaurant « gastronomique » l’illustration du fonctionnement « économique » du monde : les portions sont atomiques et le prix est astronomique. Et c’est tout sauf comique !

Une aencyclopédie est-elle bien un adictionnaire en plusieurs atomes ?

Si O+O= la tête à Toto, est-ce que 0,12 + 12 égalent la tête à Tom Cruise ?

Un certain nombre d’individus naturellement loboatomisés sont présents sur cette planète. Est-il besoin de citer leurs noms, sachant qu’ils sont aussi, par nature, très procéduriers ?

Que diffuse un atomiseur aux Etats-Unis ? L’odeur des pins de Disneyland depuis qu’il y a des droits de douane exorbitants sur la senteur lavande – et pourtant elle est de Pro-Vance ! - ?

Si votre banquier ne lave jamais sa chemise pourquoi donc iriez vous chercher ne serait-ce qu’un atome de bon sens auprès du crédit à gris col ?

Soit. Il y a donc atome.
Il y atome Novembre, le frère de Charlélie Couture.
Il y atome Bonbadilom, une chanson de Jacques Higelin.
Il y atome Newman, le producteur de Tubular bells de Mike Oldfield.
Il y atome Sawyer, le héros de Mark Twain, compagnon de Huckleberry Finn.
Il y atome et Jerry qui jouent au chat et à la souris.
Il y atome Mix le cow-boy.
Il y atome be la neige, tu ne viendras pas ce soir.
Il y atome my, l’opéra-rock des Who.
Il y atome Simpson, le cycliste mort sur les pentes du mont Ventoux.
Il y atome as Pesquet la tête dans les étoiles.

Mais qui peut me dire pourquoi j’ai retenu le nom de Dame Harriet Beecher Stowe ?

Qui se trouve derrière un ensemble d’îlots à lagon et devant un homme qui manque de tonicité suivi d’un animal qui vit sous terre et du couvre-chef d’un cuisinier ?

Facile, ça ! Dans le dictionnaire, c’est l’atome, précédé de l’atoll et suivi de l’atone, de la taupe et de la toque !

Est-ce que c’est d’avoir tout ça dans la tête, surgissant à partir d’un seul mot, qui m’empêche de dormir ?

Est-ce que je n’aurais pas mieux fait d’enregistrer tout simplement la « Java des bombes atomiques » de Boris Vian ?

A cinq heures du matin ? Pour réveiller tout l’immeuble ? Vous voulez qu’on m’assomme à coups d’atome ahawk ou quoi ?