Les Trois Grâces (Défi du samedi n° 881)





La zythologie qui, rappelons-le, est la science de la bière, n’utilise pas le même vocabulaire que l’œnologie qui s’occupe du vin. D’un côté on dit jaja, de l’autre on parle de bibine ou de pipi de chat quand iel est tiré·e et qu’il faut le·la boire.

Plus que pour le vin on tient compte pour décrire une bière de sa couleur : blonde, brune, ambrée, blanche ou rousse.

Chacune a son caractère, peut vous mettre le coeur en goguette, être servie à la guinguette en quantité telle qu’en sortant vous marchez de guingois et avez quelquefois, le lendemain matin, une belle gueule de bois.

Il y a des gens qui ont le vin triste. La bière rend toujours gai sauf si un de tes parents se retrouve couché dedans. On parle alors de l’amertume de la bière. Ou de client ivre-mort.

On ne dira jamais d’une bière, comme on le dit d’un vin, qu’elle a de la cuisse, qu’elle est bien charpentée, qu’elle a du corps.

Et pourtant, oui, proclamons le sans peur, la Guinness est un peu épaisse ! La Desperados ne rend pas sac d’os ! La Grimbergen fait péter les gaines tout comme la Goudale désespère Scandale. On se sent vite à l’étroit avec une Stella Artois. La Leffe donne de jolis reliefs. La Pelforth rend les femmes fortes. La Pilsner Urquell laisse quelques séquelles. La Chouffe te donne un look de ouf. La Jenlain, bière de garde, fait que l’on te regarde.

Choisis ton carcan, camarade… anorexique !

Les trois Grâces que l’on voit ici assument de se faire mousser, la chope à la main, ou lèvent bien haut le mot « fière » avec leur verre empli de bière. Thalie, Euphrosyne et Aglaé sont les filles de Bacchus et de Vénus. Pour dispenser aux humains l’égalité d’humeur, la bonne grâce, l’éloquence, la joie de l’âme, la sagesse et la reconnaissance on n’a pas besoin de mettre les formes.

Mesdames, détestez les diktats de la mode ! Assumez la largeur de votre garde-robe ! Choisissez l’allure de votre valseur ! Détestez les faux derches qui inventent les normes ! Soyez rabelaisiennes, ubuesques, imposez leur l’hénaurme ! Soyez plus babas cool encore que Mama Cass !




Entrez dans les ordres mais dans vos ordres : choisissez d’être triple carmélites ou, comme ici, trois dra-gueuzes allant, biques, boire des bocks à la brasserie à s’en faire péter la brassière !

Tant pis si dans le Beaujolais un proverbe dit « prendre son lit pour une tirelire en mettant un gros soûl dedans » et si François Hardy vous invite à écouter de la musique soul à rouler par terre !

Il y a un point sur lequel l’œnologie et la zythologie sont d’accord : ce sont des liquides qu’il ne faut pas boire cul sec !

***

Voilà. J’ai fesse que j’ai pu. J’ai rebondi sur cette image des trois grâces en évitant peut-être le piège qui se trouvait derrière. Je ne doute pas que le texte produit par Vegas-sur-Sarthe sur ce même sujet aurait été plus truculent voire succulent. De mon côté je n’ai sans doute pas décroché la lune mais je pense que mon texte est resté séant et ne mettra pas plus que ça en pétard les dames qui écrivent et lisent par ici. Du moins l’espéré-je ou « l’asperge » comme je dis toujours quand on me demande de plancher en prose ou en vers sur une image qui représente trois femmes maigrelettes en train de se shooter au Mediator dans une forêt de bambous !






L'Horloge comtoise (Défi du samedi n° 880)





« Si tu n’as pas une horloge comtoise à cinquante ans, tu as raté ta vie ! ».

Je ne sais pas qui c’est ce gars-là qui a pondu ça mais à force de faire le Jacques et d’énoncer des sentences aussi idiotes à l’heure ou l’heure figure sur tous les téléphones et les ordinateurs, on voit bien qu’il n’a pas le sens pratique. D'un autre côté, certain des types à qui il a fourgué ses recettes se sont retrouvés entravés par un bracelet... électronique !

La pendule trône dans la salle à manger du nonagénaire. Elle a été achetée par son grand-père. Il y a une histoire concernant cet achat ou le trajet pour la ramener à la maison mais je l’ai oubliée.

C’est que chez ces gens-là, Monsieur, comme dirait un autre Jacques qui lui n’étais pas une brèle, on écrit mais on ne raconte pas sa vie… sauf à table.

C’est dommage. On a entendu plein d’histoires sur Louis de Funès, Achille Zavatta mais il n’y a pas de prescription quand il y a proscription : le fonctionnaire a un devoir de réserve et n’écrira pas ce qu’il sait.

On est assez d’accord sur le fond et sur le fait que les morts sont tous des braves types.

En attendant, tandis que la pendule au salon disait oui disait non, le temps a passé, les générations se sont suivies et ne se ressemblent pas. Tout ce qui s’est entassé dans un innommable désordre et dans les différentes pièces de cette maison, ça va nous rendre fous et folles.

Moi je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais maintenant que j’ai vu « en vrai » la table du Dr Zigmund, je suis prêt à m’allonger sur son divan et à dire « J’ai mieux chez moi » : j’ai la sacoche de Marie-Louise, les deux boîtes de gelati Motta de Geneviève, les plaques de verre de Paul-André, sa boîte Alsace avec les mini-albums, le classeur vert, l’album rigide, la boîte archives, la boîte rouge, l’album rouge, l’album marron, les fiches perforées, la boîte marron, la boîte à chaussures Impulse…

J’ai descendu tout ça dans la loggia et sur mon bureau, histoire de retrouver les photos originales d’«Il était une fois» et de «Chemins d’enfance» et de me servir de tout ça pour présenter un de ces jours – EN NUMÉRIQUE ! - une photothèque rangée chronologiquement.

Comme dirait Fernand Raynaud, « Ça va prendre un certain temps ». La comtoise va encore faire sonner un certain nombre d’heures.

Comment ?

Ah oui, c’est vrai elle ne marche plus. On l’a gardée parce que chez ces gens-là, Monsieur, on ne jette rien : tout peut toujours servir !

Ne serait-ce qu’à pondre un billet pour le Défi du samedi !

Pas encore tout à fait amnésique. 18, Les Chiens (Défi du samedi n° 879)


Les gens qui ne se souviennent pas du prénom d’Alzheimer – Alois, tu parles d’un blase ! – n’ont pas à se poser cette question qui me taraude à chaque fois que j’ajoute un chapitre à cette entreprise quasi pérecquienne du bistrot-mémoire thématique : mais pourquoi est-ce que je retiens tout ça ? Ça ne sert absolument à rien !

Par exemple que le chien de l’oncle Walrus soit une chienne, s’appelle Câline et soit de race Jackie Russell, je ne peux même pas le placer dans une conversation par ici. Les Bretons que je fréquente se fichent pas mal de ce que j’aie de la famille virtuelle en Belgique, de ce que, ancien latiniste, je sache traduite l’expression « Cave canem » et du fait que j’ai passé mon enfance à lire chaque semaine « Vaillant le journal de Pif » le chien.

Que, dans ce chenil « quasi communiste », j’ai pris plaisir à découvrir le Gai-Luron de Gotlib, Pifou le fils de Pif qui ne s’exprimait qu’avec « Glop ! », « Glop glop ! » et « Pas glop ! », que Raymond Mas ait pris son autonomie pour faire vivre à ce personnage sans langage des conflits avec l’infâme Brutos dans des pages autonomes, qui s’en soucie ?



« Tout ça intéresse tout ça ! » me répond-on de la rivière Kwaï, Kwaï, Kwaï, onomatopée qui signifie qu’on a marché sur la lune et sur la queue du chien.

De fait, cette pop-culture là n’a plus cours. Toutes les choses ont une fin, sauf les saucisses qui en ont deux et si tu attaches ton chien avec, des saucisses, c’est beau, superbe et généreux mais ne t’étonne pas s’il part divaguer au parc des Carmes à La Flèche !


Les saucisses ont deux bouts et les spaghetti aussi. Si un même spaghetti tombe dans la gueule d’une belle et d’un clochard, pas de doute on est bien chez Walt Disney dans le film homonyme. Si tu trouves 101 dalmatiens dans ton séjour ou quatre bassets pour un danois, c’est la même punition-diagnostic !

Que serait Tintin sans Milou ? Que feraient Astérix et Obélix sans Idéfix qui les sort de la pyramide-tombeau dans « Astérix et Cléopâtre » ? Certes, Lucky Luke peut se passer de Rantanplan mais il manquerait quand même quelque chose dans l’histoire s’il n’était pas là, non ?

Le chien du Club des cinq d’Enid Blyton s’appelle Dagobert. Et comment dans l’original anglais ? Ils ont eu des rois fainéants aussi, les British ?

Le chien de « Sans famille » d’Hector Malot s’appelait Capi.

Je me souviens de « Youhou Rintintin ! », du caporal Rusty et du sergent O’Hara.


Je me souviens de « Non mais ! Oh ! Dis ! » envoyés au chien qui pisse sur le pot de fleurs en ouverture des émissions des Deschiens.


Je me souviens que le fox-terrier blanc de Nora dans « M. et Mme Détective » s’appelait Asta.


J’ai eu la trouille comme tout le monde en lisant « Le Chien des Baskerville » de Conan Doyle. J’ai eu droit au feuilleton « Belle et Sébastien » (d’après Cécile Aubry avec son fils Mehdi) avant que ça ne devienne un duo musical dont je n’ai jamais rien écouté.

Plus tard j’ai emmené mes enfants au cinéma « Le Palace » voir « Beethoven ». Ils ont ri, moi pas vraiment, je préfère l’arrivée du 3e mouvement dans le concerto de piano n° 4 (c'est à 25 ').

Dans la vraie vie le chien noir de mon grand-père s’appelait Micky, je ne l’ai pas connu et on a perdu la photo prise sur le seuil de la maison. Celui de ma grand-mère s’appelait Charlie, celui de mes beaux-parents Plouc et celui de mon frère Nobody. Celui de Mitterrand s’appelait Baltique. Ça nous fait bien des bosses et des belles jambes, tout ça !

On m’a raconté l’histoire de quelqu’un qui avait appelé son chien Sarkozy pour avoir le plaisir de pouvoir lancer parfois :« Sarkozy ! Au pied ! »

Je me souviens de « Combien pour ce chien dans la vitrine ? » de Line Renaud, d’« Azor » d’Arletty, de « Dites-moi ma mère pourquoi les chiens dans la rue se montent dessus », du chien devant le gramophone de « La Voix de son maître », de « Hey Bulldog » des Beatles. Clifford Simak a écrit « Demain les chiens ». Le chien de Jean de Nivelle se carapate quand on l’appelle. Les Saint-Bernard ont un tonneau de rhum accroché sous le menton. Mon partenaire musical dans le duo « Les Am’nez zique » s’appelle Monsieur Le Bichon. Jacques Bodoin donnait l’accent anglais à Pollux dans « Le Manège enchanté ».

J’ai failli oublier Boule et Bill, Cubitus, Pluto, Roquet Belles oreilles, Kador et Petit caniche qui n’est pas un chien mais le compagnon indien de Chick Bill de Tibet. Je n’ai toujours pas retrouvé la Mirza de Nino Ferrer et je passe sous silence ma passion pour Snoopy de Charles M. Schulz qui m’a valu d’être surnommé ainsi un temps par une douce jeune fille disparue aujourd’hui dans les limbes.

Voilà, j’ai posé ma balise Argos, je me sens « heureux qui comme Ulysse » mais mon voyage n’est pas fini : bon été à tout le monde ! Le conseil de la semaine sera : « Mangez sain, n’abusez pas du hot-dog, même s’il fait un temps de chien ! ».




C'est l'été, enfin ! (Le Défi du samedi n° 878)

 




Alors ? Ce Défi sur le molleton,

S’y colle-t-on ?


C’est que cela n’est pas coton

Par ces chaleurs que nous avons

D’aller filer des métaphores

En même temps qu’la lain’ de mouton !


C’est tentant de botter en touche,

De s’allonger sur le gazon,

D’y relire Franz Taffetas

Ou « Les Trois moustiquaires »

Voire de s’envoyer « Le Soulier de satin »

Plutôt que de broder

Sur Gabardine Martin,

Sur Richard Burlington,

Sur Popeline Carton

Ou sur Paul Desflanelles.


C’est vraiment très facile de chambray le patron :

Tranquille comme batiste

Il joue sur du velours

Rien ne l’interlocke

Et il rétorque à nos critiques

« Viscose toujours ! Tu m’intéresses !

 Tous les mots que je propose

Sont tissus du dictionnaire » !



Soie ! C’est un fait

Mais batik comme nous sommes

Après l’avoir piqué (le somme)

Nous sommes aussi capables

De mettre les voiles

Vers le soleil

De laisser la cretonne aux Bretonnes,

Les crêpes dentelles

Aux danseuses de tarentelles,

Le sergé à Pontoise,

La mousseline aux Yvelines

Les robes Vichy aux folles à(l)lier

La toile de Jouy aux Josassiens

Le madras aux foulards

Et Jersey à son île


Peut-être aurions nous dû

Placer ici comme défausse

La chanson « Mademoiselle Angèle ? »





Soyons sérieux :

Rangeons le molleton

Dans la malle aux tissus

Pour l’hiver

Et terminons par un conseil :


Il se peut qu’au rugby

Dame Caroline Loeb

Et chante, victorieuse,

« De toutes les matières,

c’est la ouate qu’elle préfère »


Si le coton est hydrophile,

Si la canicule vous épate,

Ne jouez pas les imbéciles,

Ne jouez pas les hydropathes :

Buvez de l’eau, gazeuse ou plate !