Cougar au gorille ? (Défi du samedi n° 891)




Ah que nenni,
Amie grenouille !

Jamais ne crus
Cette infinie
Carabistouille
D'une princesse ni-
Guedouille
Qui, pour vaincre ses insomnies,
Se piqua l' doigt
Sur sa quenouille !

Cent ans,
Paraît-il,
Dormit-elle !

Sans que rien
Ne changeât
En elle ?

Pas un seul cheveu
N'eût blanchi ?

Elle fût restée
De sa blondeur
Perrault-xydée ?

Les lèvres toujours purpurines
Et les rondeurs bien affirmées
Comme affermies ?

Les inventions de ce poète
Serpentent au doux nom de sornettes !




Ah que nenni,
Amie grenouille !

Sous son matelas
Il n'y avait pas
Une boîte de ratatouille
Ni même un humble petit pois,
Pas de boîtier transhumaniste
Qui préservât la joliesse
De son Altesse,
Qui maintînt
Son joli teint
Et conservât son apparence
D'icône de l'adolescence 
Pour qu'un amant,
La réveillant,
Criât au génie! *

* Je crois que mon amour du subjonctif m'a fait rater ici un calembour de 1er choix !

Le prince qui passa par là
La débroussailleuse avec soin
Fut consterné de ce tableau.

- Que font tous ces gens endormis
En cette superbe demeure ?
Et ce vieux tromblon décrépit,
Quasi hideux,
Rêve-t-il d'être à son affaire
Auprès de moy ?

Qui croit que je vais embrasser
Cette vieillarde trépassée ?



Il s'app’lait Ludwig II
Et créchait en Bavière.
Lors, il y retourna.

Cruel fut le hasard
Pour la dame cougar :
C'était un solitaire
Que l'amour laissait froid.

Ouvrant l'oeil à demi,
Constatant le mépris,
La princesse comprit
Qu'un siècle avait passé
Et qu'aux plus belles de ses choses,
Le temps avait fait un affront.

- Bah ! soupira la centenaire,
Qu'on pût encore me désirer,
Ce serait extraordinaire
Et pour tout dire inespéré !

Ell' s'retourna de l'autr' côté
Et s' rendormit pour cent années.

***

Sinon, amie grenouille,
T'as de beaux yeux, tu sais ?

- Embrassez-moi !







Les Angles sont-ils plus obtus que les Pictes ? (Défi du samedi n° 889)


Cette semaine on a encore demandé à un littéraire, c'est à dire à un gars plutôt obtus vis à vis des sciences, d'expliquer un terme de géométrie, le mot « obtus », adjectif qualificatif qui s'applique à un angle dont la valeur est supérieure à 90°.

Résultat, au bout de la première phrase, on ne comprend déjà plus rien : qu'est ce que c'est qu'un angle ? Qu'est ce qu'un degré ? Je vais tâcher d'être plus clair et de vous expliquer tout ça avec une feuille à petits carreaux, des allumettes et un stylo ou un crayon à papier. Il vous faudra également une règle, une équerre et un rapporteur. Vous avez certainement gardé ça chez vous, même si vous ne vous en êtes plus servi, du rapporteur, depuis au moins trente ans.

Sur la feuille, avec le stylo, là où vous voulez, mais plutôt vers le centre, considérez que vous avez gagné et marquez un point. Le point est un tout petit cercle qui ne suscitera pas de commentaires moqueurs chez celui ou celle qui vous regardera le dessiner alors que si on vous demande de représenter un ballon de football sans utiliser de compas, tout le monde rira du résultat et les footballeurs professionnels refuseront de disputer un match avec un ballon dont on n'est même pas sûr qu'il puisse rouler sur le gazon vu qu'il est en 2D.





Le point que vous avez tracé, appelons le Ahmed, Albert ou Archibald. Pour faire court, appelons le A. Ailleurs sur la feuille marquez un autre point. Ne passez pas par la case "Départ", ne touchez pas francs 20 000, ça ne vous servira à rien, on est passés à l'euro en 2002. Ce nouveau point, appelons la Brigitte, Bernadette ou Brunehilde. Pour faire court, appelons l'abbé, non pardon, appelons la B.

Supposons qu'Archibald ait envie d'aller conter fleurette à Brigitte. Pour aller la voir, il va emprunter le chemin qui va de A à B. Ce chemin peut être sinueux, tortueux, compliqué, voire labyrinthique. C'est pour cela qu'on a inventé la droite et la règle. La droite est le plus court chemin qui relie deux points séparés. Pour tracer la droite, on positionne la règle sous le point A et on s'arrange, en la faisant pivoter délicatement pour la positionner simultanément, c'est-à-dire en même temps, sous le point B. On maintient solidement la règle et, avec le crayon,  on trace le trait qui relie A à B.

Voilà. Si vous n'êtes pas trop gauche, vous venez de dessiner une droite. Si le maniement de ces instruments est trop compliqué pour vous ou que, au finale, vous avez obtenu ce résultat-ci…

sortez une allumette de la boîte. Ne frottez surtout pas le bout rouge contre le côté soufré de la boîte, souffrez de la poser simplement sur la table. Et veuillez considérer que c'est une droite, que nous appellerons AB et qui fait se rejoindre le bout soufré A et le bout non soufré B qui ne sert pas à allumer le feu sous Johnny Hallyday mais à tenir l'allumette avec le pouce et l'index quand le bout soufré est enflammé.

Sur la feuille, marquez un autre point que vous appellerez Claude, Camille ou Caméléon ou, pour faire court, C. On ne connaît pas le genre ni la couleur de C mais on s'en fiche, ça n'a pas d'importance pour définir « obtus ». Reprenez la règle, tracez une autre droite qui fait se rejoindre les points A et C. Pour les malhabiles du crayon, vous prenez une autre allumette et faites en sorte que les deux bouts rouges soient en contact. La figure que vous avez obtenue s'appelle un angle. Je la définis par "espace compris entre deux droites qui ont une extrémité commune". Le point A est nommé sommet de l’angle, même s’il est positionné sous les deux pieds de la montagne que vous venez de dessiner ! Ils sont renversants, ces scientifiques !




Wikipedia voit plutôt les choses comme ça : Dans son sens ancien, l'angle est une figure plane, portion de plan délimitée par deux demi-droites. Choisissez votre camp, camarades !

Là où nous sommes d’accord, Madame Wikipe et moi, c’est que cet espace peut être mesuré en degrés à l'aide d'un rapporteur. Prolongez les lignes AB et AC, ainsi que la ligne B du RER jusqu'à Saint-Etienne ou au moins jusqu'au bord de la feuille. Si votre rapporteur est de grande taille et/ou si vous utilisez des allumettes, une fois arrivé·e à Saint-Etienne, n'allumez pas le feu sous le chaudron.

Posez la base du rapporteur sur la droite AB et le petit trou du milieu sur le point A, au point de jonction des deux droites AB et AC. Notez le chiffre sous lequel passe la droite AC quand elle ressort à à l'air libre, telle une rame de métro, de dessous le rapporteur. Apposons derrière ce chiffre le signe ° ou le mot « degrés ». Par convention, on dit que l’angle tracé mesure n degrés.

Tout cela est sans doute mieux expliqué ci-dessous :




Si la valeur de l'angle est 90°, on appellera cet angle un angle droit.

Si la valeur de l'angle est inférieure à 90°, on dira que l'angle est aigu.

Si la valeur de l'angle est supérieure à 90°, on dira que l'angle est obtus.

Si vous faites un double avec les dés, rejouez et si vous faites 3 doubles de suite faites avancer votre oie jusqu'à la case 62 (image du pot de rillettes).

Si la valeur de l’angle tracé est de 180°, on dira que l'angle est plat.

Si vous avez marqué le point C pile-poil par-dessus le point B, l'angle mesure 360°.

Attention, le degré qui mesure les angles n'a rien à voir avec celui qui mesure la température qu'il fait dehors. Celsius et Fahrenheit n’interviennent jamais dans la mesure des angles pour la bonne raison que le premier a égaré son rapporteur et que le deuxième a perdu son équerre.

L'équerre justement sert à tracer des angles droits, ceux qui mesurent 90°. C'est un instrument très utile, surtout lorsqu'on veut bâtir une démonstration un peu carrée ou une maison qui tient debout. A noter que dans un régime capitaliste illibéral à emblème de tronçonneuse, travailler au black est d’équerre.

La règle est fort utile pour tracer un angle plat : il suffit de tirer un trait et d'inscrire B a un bout, C à l'autre bout et de poser un point A au milieu du trait.

La prochaine fois, nous aborderons le triangle, les notions d'isocèle, d'équilatéral, de rectangle, de bissectrice, d'hypoténuse, de Pythagore et de Bermudes. Si ce programme ne vous intéresse pas, vous pouvez ranger équerre et rapporteur là où vous les avez pris et les laisser dormir à nouveau pour trente ans. Si vous voulez rester et qu'en plus des allumettes vous avez amené le camping gaz et la cafetière, je prendrais bien volontiers un petit café noir et discuterais avec vous et avec plaisir de ce sujet pointu : « Pourquoi appelle-t-on obtus un angle qui est plutôt ouvert alors qu'on appelle obtus quelqu'un qui est du genre plutôt fermé ? » .

Non, merci, pas de sucre dans le café !

Nez de banane ! (Défi du samedi n° 888)


J’avais vraiment la baraka
La dernière fois que j’ai joué au canasta
Avec le Dalaï Lama.
Il a misé l’Annapurna et sa cabane au Canada.
Abracadabra ! J’ai fait une razzia !


Je suis donc devenu les dernier des nababs :
J’ai des puits de pétrole dans tout l’Alabama
Des casinos à Las Vegas
Et des hôtels dans l’Arkansas
Qui font que je suis plein aux as ;

J’ai des maisons de passe au Kamtchatka
Des stations de ski dans le Sahara
Et bientôt une riviera à Gaza.

J’ai investi dans l’industrie du sparadrap,
Du cautère sur la jambe de bois,
De l’intelligence à la noix
Des fake-news auxquelles donner foi,
De l’outrance, de l’éclat de voix

Mais en fait rien ne va !

Le joueur de balalaïka
Que j’ai reçu en Alaska
Ne m’écoute pas !

Jamais je n’obtiendrai
Le prix Nobel de la paix !

Les faucons sont de vrais cons
Et tous les étrangers cuisinent dans des woks !

A quoi ça sert d’être nabab
Si c’est pour se faire traiter de « nez de banane »
Par les singes perchés dans les baobabs ?

Alors ce matin, nom de nom,
J’ai pris la bonne décision :

Je rachète le Tibet aux Chinois,
Je rappelle le Dalaï Lama
Pour qu’on rejoue comme autrefois
A la canasta sans enjeux
Dans un monastère près des cieux !

J’avoue : j’étais bien plus heureux
Lorsque j’étais simple nez d’boeu(f) !






Une Coquille en héritage (Défi du samedi n° 887)




Heureusement que je me suis intéressée, un temps, à la généalogie de ma belle-famille ! Même si je ne l'avais jamais rencontrée, je savais que la tante Emmanuelle était la soeur de la mère de mon mari, François Homais, et qu'elle approchait de l'âge canonique de cent ans. Ça ne servait pas à grand chose, mais quand ce matin là, le téléphone a sonné et que le notaire, après s'être présenté, m'a annoncé avec les précautions d'usage que « ce matin, Emmanuelle Bovary est morte », ça ne m'a pas causé un grand choc et je savais « dekikikozé » comme écrivent mes petits enfants.

Maître Corboz, c'était là son nom, a poursuivi sur un ton quelque peu sentencieux :

- Elle a tenu à ce que tous ses neveux et nièces assistassent à ses funérailles qui auront lieu à Marcilly le lundi 1er septembre à 15 h 00 à l'Église. Toute la famille se réunira ensuite à 17 h 30 en mon étude, sise numéro 9, le bourg, pour l'ouverture du testament.

- Très bien, maître, je vais en parler à mon mari, nous y serons peut être.

- Soyez y sûrement ! Ne pourront hériter que les membres de la famille présents lors de la lecture de cette pièce.

- Bon, ben d'accord, nous y serons sûrement.

Mon mari, François Homais, est le troisième d'une lignée de cinq enfants. Il est le seul garçon, situé en position trois, au milieu de quatre filles. Ils exercent tous et toutes une profession médicale. François est pharmacien, son père était médecin, certaines de ses sœurs le sont ou l’étaient aussi.

La tante Emma était infirmière. Elle est restée célibataire toute sa vie et on ne sait par quel biais elle se trouvait dotée, à l'heure de son départ en retraite, d'un joli capital qui ne cessa jamais de fructifier et qu'elle convertissait avec un goût certain, paraît-il, en mobilier de luxe. Nous-mêmes, installés dans une sous-préfecture prospère d'un département dynamique, nous ne manquons de rien, sans doute en vertu du très célèbre ruissellement macronien qui assure une belle prospérité à tous les gens de bien qui ne sont pas rien.

Mon mari n'entretient que peu de rapports avec ses sœurs, neveux et nièces et encore moins avec ses tantes perdues de vue. Voilà pourquoi j'ai été bien étonné de l'entendre me répondre, à l'annonce du décès, « OK ! Lundi, je me fais remplacer à la pharmacie et on va à Marcilly. C'est où ce bled ? ».

J'ai consulté Google et Google Maps. J’ai vu que c'était dans la Manche, donc en Normandie et j'ai rempli un sac de vêtements. Comme le temps là-bas est toujours à la mode « p’têt’ ben qu’oui, p’têt’ ben qu’non » j’ai embarqué nos capes de pluie en supplément de vestes et parures plus légères et pas trop colorées. C'était un enterrement quand même.


- Tu n'appelles pas tes soeurs pour proposer un covoiturage ? ai je demandé naïvement à mon mari.

- Et puis quoi encore? Elles habitent à différents endroits de la périphérie de Rennes et l'aînée - comment se prénomme-t-elle déjà ? Ah oui, Isabelle - a un labo à Trébeurden. Je ne vais pas faire du ramassage scolaire en plus ! Qu'elles se débrouillent entre elles si elles veulent !

Cela va faire quarante-cinq ans que je suis mariée à cet ours ! C’était juste proposé de mon cœur mais, de fait, je n'attends plus de miracle de ce corps... médical.

***

Le lundi matin, nous voilà donc partis revoir la Normandie de Stone et Charden. Le paysage est très vert, preuve qu'il pleut quand même encore par ici malgré ces stupides rumeurs de dérèglement climatique. Enfin, je parle de la partie juste avant Avranches, quand on prend la Départementale 976, après l'A84, qu'on passe à Launey, Ducey-les-Chéris et qu'on arrive... dans ce village minuscule où il n'y a même pas un café ou une auberge !

- Qu’est-ce qu’elle est venue faire à s'enterrer dans ce patelin ? peste déjà François. Où est-ce qu’on va grailler ?

On trouve justement une place sur le petit parking en face du cimetière, on descend. Pas un chat ! On pousse jusqu'à l'église : fermée ! Pas d'avis mortuaire, rien ! On cherche la mairie sans la trouver, il n'y a pas de nom aux rues, elles s'appellent toutes le bourg apparemment. Un panneau rouge indique qu'il faut partir à gauche pour la trouver mais il n'y a que des pavillons d'habitation tout le long de la route.

Au carrefour vers La Boulouze on aperçoit une personne de sexe féminin et dotée d'une brouette. « Une naine de jardin vivante ! », comme dirait mon François dans ses bons jours. Sans le savoir, elle fait office de représentante de l'humanité sur cette planète désertique.


- Madame ! Madame ! intercédé-je, nous cherchons la mairie ou l'étude de maître Corboz et nous voulons nous assurer que nous sommes bien au bon endroit pour la sépulture de Madame Bovary.

Tête ahurie de la Schtroumpfette. Je parle le charabia dans le texte ou quoi ?

***

Bon, OK, j'ai tout faux ! Il n'y a pas de notaire ici, il n'y a pas de Emma(nuelle) Bovary à habiter par ici. Et dans un pays nourri de crème fraîche et de doutes permanents, personne ne peut mourir tout à fait ni concevoir que cela puisse se faire.

François rage comme jamais ! On rentre à F.

***

Cette histoire m'intrigue. Le notaire n'avait pas l'air d'un plaisantin. Et qu'une centenaire décède fait partie des probabilités envisageables en ce bas monde. À la fin du repas improvisé, je monte dans le grenier où sont rangées les archives de la famille Homais. Ce nom de Marcilly me dit vaguement quelque chose.

Dans la boîte des photos d'enfance des sœurs Bovary, Emmanuelle et Madeleine, je trouve celle d'une église qui ressemble à un château fort, des clichés de gamines en robe blanche sur un bateau ou sur le port de La Rochelle, l'image d'un écrivain qui dédicace des livres. 


A tout hasard, je retourne la photo de l'église et je lis « Marsilly 1934 ».

Marsilly ! Marsilly avec un « s ». Après vérification cette ville se trouve en Charente-Maritime. Wikipédia m'apprend que Georges Simenon y a vécu entre 1932 et 1934. Est ce que j'en parle à François ? Est-ce qu'il est prêt à se fader 3 h 20 supplémentaires de bagnole à fond la caisse pour arriver à 17 h 30 chez le notaire et entendre le beau ramage de Maître Corboz ? Il est déjà de très sale humeur comme ça. Je choisis de ranger la photo dans la boîte où il ne met jamais le nez et de me taire pour toujours sur cette erreur due à une homonymie. Fin d'une drôle d'histoire.

***

Quelque temps après cependant, j'ai quand même téléphoné, en cachette, à ma belle-sœur Isabelle, celle qui habite à Trébeurden et qu'on n’est allés voir qu’une seule fois chez elle en quarante ans. Elle a fait le déplacement au bon Marsilly, celui avec l'église-château fort. Elle a vu le plumage du notaire, plutôt déplumé de fait tant il était "old school". 

On n'a rien perdu : tous les neveux et nièces sont déshérités. La Tatie a fait don de ses biens aux apprentis orphelins d'Auteuil-Neully-Passy ou une association de ce genre-là. François aurait été furieux d'apprendre ça, de voir que pour une fois, ça ne ruisselle pas dans son escarcelle. Moi, je suis rassurée sur la bonne marche du monde : si les célibataires s'occupent des orphelins, c'est qu'il n'est pas si mal fait que ça, finalement !


P.S. Ne trouvant guère de ressemblance du cliché walrussien avec les images de Google-images, je me suis retrouvé ici grâce à Google-recherche-par image :



Cette coquille des "Bidochon" m’a donnée l’idée de ce quiproquo !